Ruine pleurante [PV: Kira/Franken Stein]

La tête posée sur son bureau, Stein se sentait flottant. Il sentait le bois contre sa joue et ses deux mains qu’il avait posé sur la table, la chaise sous lui, mais ses jambes se balançaient dans le vide. Et puis … Des pleurs. Ces lamentations lui rappelaient vaguement quelque chose, finirent de le réveiller. Les idées encore embrouillées, il releva lentement la tête. Devant lui ; ce n’était pas son ordinateur, mais autre chose ; et qui lui semblait encore plus fantaisiste. C’était un genre de mur, avec des racines qui l’entouraient, l’emprisonnaient à la manière d’une prison d’écorce. Les briques étaient d’un jaune terne, tandis qu’une fenêtre raffinée rappelant à sa forme un blason d’autrefois se trouvait sur sa droite et sur sa gauche. Il baissa les yeux. Le plancher n’était plus le gris qu’il connaissait, mais était semblable à un jeu d’échec. Noir … Et blanc. Les carreaux faisaient environs soixante centimètres de longueur et de largeur, il aurait put y poser les pieds sans aucun problème. Et surtout, ce n’était pas sa chaise. Mais une autre. Une en bois, des plus normale ; et son bureau n’était plus le sien. Franken leva les yeux vers le plafonds : semblable à celui d’une cathédrale, il était magnifiquement décoré de sculptures en tout genre, de peinture presque abstraites, d’enchevêtrement de lierre de toute sorte et ; aussi stupéfiant que cela puisse paraître ; il y avait des roses. D’un bleu charmeur. Les roses bleues n’existent pas. Normalement. Mais il fallait croire que toute les règles de normalités connues n’étaient plus de rigueur dans cet endroit plus étrange que nostalgique. C’était vrai. Les couleurs, à part ces roses, avaient perdues de leur éclat ; semblait sans vie. Et n’avait absolument rien de joyeux. C’était une ambiance affreusement triste qui planait, et ces pleurs n’arrangeaient absolument rien à la situation. Dans ce décor irréaliste, tout était apparemment permis. Un miroir plana devant lui, comme porté par cette apesanteur en action tout autour du docteur. Ce-dernier saisi la glace et la tourna vers lui-même. Le seul apparemment, à ne pas avoir changé, c’était lui. Il avait toujours ces cheveux gris, ces mêmes yeux, cette même blouse, ce même pantalon mais pas le même haut. C’était une chemise blanche. Apparemment celle qui portait lors de la fête d’anniversaire de la Shibusen.

Ses pieds touchèrent le sol avec un faible son de carreaux creux. Il se redressa et se leva, tandis que le bureau et sa chaise se posaient à leur tour sur le sol. C’était … Très étrange. Très, très étrange ; même. Le professeur n’avait même pas remarqué que la pièce dans laquelle il se trouvait était circulaire. Il regarda par une fenêtre, ne vit que la lune, les étoiles. Et puis quoi, encore ? Des nuages ? Hm … Quoi de plus normal ? Il vit une porte juste devant lui. Bois massif, très sombre - presque d’ébène - ; avec une poignée grisonnante. Il s’en approcha à pas furtifs, comme s’il craignait qu’elle ne le mordre ou on ne sait quoi. Stein saisit la poignée, la tourna, et se retrouva dans un salon plus vaste qu’interpellant. Surtout au niveau de son sol et de son plafond, qui était fait dans exactement la même teinte, qu’on confondait presque à cause de sa mansarde qui se reflétait dans un miroir posé devant un canapé de velours rouge tout aussi terne que le reste. Stein n’avait pas faim. Son appétit semblait s’être coupé rien qu’en entendant les pleurs qui continuaient de se répercuter dans cette demeure étrange avec plus d’insistance qu’auparavant. Mais qui pouvait bien pleurer ainsi ? C’en devenait presque effrayant, rien qu’à l’entendre.

« Bien. Quelle porte ? » se demanda tout haut Franken, qui observait les ouvertures les unes après les autres avec une certaine suspicion, comme si un fantôme était caché derrière.

Finalement, un bruit venant de l’une d’elle le décida d’en pousser la poignée. Il ferma un instant les yeux, ratissant le « manoir » - selon lui -, afin de repérer d’autre trace de vie. Il y en avait bien une ; juste devant lui. Mais pas d’autre. Les pleurs venaient donc de la personne derrière cette porte ? A moins que ce ne soit que sa folie qui lui jouait des tours malsains. Allez savoir … Franken soupira, saisit une deuxième fois une poignée, appuya dessus, et ouvrit la porte dans un doux grincement ; lentement. Le savant arriva dans une cuisine, encore plus bizarre que le reste des salles. Il fronça les sourcils. Un … Panneau ? Bordel, l’innovation est de ce monde, visiblement. Et c’était sûrement la seule chose qui semblait plus ou moins normale dans toute cette baraque impossible ! « Battez-vous ». C’aurait été plus normal si on avait remplacé les « t » par des « r », justement. On vous laisse lire ce qu’aurait bien voulu voir le professeur à ce moment. Si ils se battaient, il pourrait enfin sortir d’ici ?

L’idée de se battre dès le matin ne l’enchantait pas vraiment. Un nouveau soupire sortit de sa bouche. Mais bon, il fallait croire qu’il n’avait pas le choix. Surtout que la personne concernée se trouvait juste devant lui. Son âme … Frémissante … Oh, c’était tellement mignon de la voir osciller sous un doute. Un sourire se prit dans les lèvres de Franken, qui trouvait l’autre individu très … Intéressant. Le disséquer serait une expérience instructive. Le sourire s’agrandit ; l’idée s’infiltrant dans l’esprit du docteur. Inutile de rappeler que Stein était capable de deviner la personnalité des gens rien qu’en voyant leur âme, n’est-ce pas ?

« Qui que tu sois, ton âme est très appréciable à la vue, tu sais … Tu es d’un caractère calme et posé, attentif, peu enclin à l‘amour pour une raison que j‘ignore ... Tu sais garder ton sang-froid en toute circonstances. Et tu es un élève à Shibusen, si je ne me trompe pas. » diagnostiqua lentement et précisément Franken. « Et j’ai bien envie de te disséquer … »

Stein tourna sa vis avec un calme presque alarmant, puis leva la main au niveau de son épaule ; sa longueur d’âme au creux même de sa paume.

« Maintenant que je pense avoir récolter assez d’informations … Passons à l’euthanasie, veux-tu ? »

Son sourire prit un air un peu plus fou qu’il ne l’aurait voulu, tandis que les pleurs continuaient de retentir quelque part dans son dos. Dans peu de temps, la situation allait devenir peu encline à la négociation, ni même au retour au calme.

La surprise se lut sur le visage de Franken quand son adversaire tomba à genoux, les larmes roulants sur ses joues. Il hésita un instant, mais sa détermination remplaça aussitôt sa folie quand il remarqua que l’âme de l’individu oscillait dangereusement entre la raison et l’aberration. Magnifique. Un combat entre deux fous ? Ca vous tente, docteur Stein ? Le gamin redressa la tête vers lui, un sourire effrayant sur le visage, se releva et son regard démentiel se posa sur le scientifique, qui avait interrompu par inadvertance son flux de longueur d’âme.

« Je vous tuerai, PÈRE, pour qu’enfin votre âme repose en paix. » dit soudainement le garçon.

Stein fronça les sourcils. Le gosse aux cheveux blancs, habillé de noir et à cet œil gris le prenait pour quelqu’un d’autre, apparemment. Au fait … C’était quoi, son nom ? Très bonne question. Franken saisit sa vis et la tourna un peu, tentant de se remémorer la liste des élèves qu’on lui avait fournis en début d’année. La tête de cette arme lui disait quelque chose. Peut-être l’avait-il croisé un jour dans un couloir de la Shibusen. C’était possible. Hm … Non, ça ne lui revenait pas. Peut-être que ça lui reviendrait … BREF ! Cette pensée ruina son envie de dissection et rien que le fait de voir le gamin dans un état de folie pur lui faisait presque peur. Le docteur avait déjà dit à Medusa que ce n’était pas la folie elle-même qui lui faisait l‘effrayait, mais ce qu’il pourrait devenir en lui cédant son âme. Raison de plus pour ne pas sombrer. Ah bon sang ! Si seulement Marie était là ! Il observa cependant son opposant, qui avait transformé ses deux bras en lames de katana reliées à son corps par une chaîne. Il en lança une vers le docteur, qui n’avait pas du tout terminé de réfléchir, mais qui était assez alerte pour savoir quand est-ce que le gosse allait attaquer. Ceci donc dit, ceci donc fait. Il lâcha sa vis qui n’avait pas encore émit son cliquetis de fin ; et esquiva en saisissant son paquet de cigarette. L’attaque n’était pas sérieuse, et le simple fait de bondir sur le côté lui avait permis de l’éviter. Stein prit une clope, la mit au coin de ses lèvres, l’alluma avec son briquet et rangea son paquet et son allume-feu dans sa poche.

Le docteur grogna pour lui-même, regarda l’autre espèce de fou, grogna une nouvelle fois. L’autre, là-bas, semblait bien décider à le tuer pour que « son âme repose enfin en paix ». Il était mal partit. Mais avouons que frapper des enfants était très amusant. Franken allait beaucoup s’amuser, il le sentait. Et c’est sans aucune autre hésitation qu’il se lança vers l’arme avec sa rapidité habituelle. Mais s’il avait eut sa chaise roulante, il aurait put être plus rapide qu’à l’accoutumer. Et sans arme, il se demandait jusqu’où il pourrait aller …

En arrivant à la hauteur du gamin, son envie de le disséquer le reprit ; mais il resta parfaitement stoïque, son visage ne laissant aucune émotions transparaître. Pour le moment, il arrivait à se contrôler. Pour combien de temps encore ? On vous le demande bien.

« AH ! Je me souviens ! » cria Stein en s‘arrêtant juste devant Kira. « Tu es Kira, arme une étoile, héritier du clan Atsega avec un penchant visible pour la folie. »

Il soupira, attaqua. La paume ouverte.

« Esprit Frappeur ! » hurla le savant au moment même où sa main touchait le thorax de Kira.

Voilà son attaque, et il en profita pour laisser une charge électrique dans le corps de son adversaire. Jouer à la couture avec le système nerveux de ses adversaires, voilà ce qu’aimait le docteur, qui bondit en arrière. Mais se prit le coin de la table dans le dos. Il se retint de jurer, relâchant par la même occasion un nuage de fumée entre ses dents serrées par la douleur que lui avait provoquée coup. Ca manquait d’espace, dans le coin. Quitter la cuisine pour aller se battre dans le salon ? Idée stupide. Le professeur allait faire avec. Sans attendre que l’autre lui fasse la messe s’il le pouvait, il se décala légèrement de côté. Un pas, tout juste. Ca suffisait, il n’avait plus le coin dans le bas de la colonne vertébrale. Il saisit sa vis, la tourna une nouvelle fois ; tandis qu’il prenait sa cigarette entre son index et son pouce avec son autre main.

Et attendit, les pleurs rajoutant une pointe de nostalgie dans l'air. Ça lui rappelait quelques souvenirs peu sympathiques.

« Père, vous me décevez, vous n’auriez pas dû me coller à un passage secret. » dit Kira après avoir éclaté d‘un rire tout-à-fait corrompu.

Puis un passage secret s’ouvrit. Stein ne bougea même pas, s’attendant aux représailles qui ne vinrent pas. Le mur se referma dans un fracas épouvantable. Il remit sa cigarette entre ses lèvres, grogna pour la troisième fois. On veut jouer à ça, hein ? C’était d’un classique et d’une simplicité déconcertante. Mais bon, il fallait croire que l’arme connaissait bien le terrain. D’après ce qu’il avait eut le temps d’entrapercevoir, il y avait un couloir qui montait à un grenier. Il mit les mains dans les poches avec un calme sidérant, énervé. Retenez bien qu’un grenier, ça prend tout un étage, normalement. Et ce devait être le cas ici également. Le prendre pour un crétin ne reste pas quelque chose impunie, mes bons amis … Franken sourit faiblement, concentra sa longueur d’âme dans sa paume de main, regarda le plafond avec une certaine insistance. Il inspira à fond, espérant que sa prévision soit la bonne … Lorsqu’il ouvrit la bouche, il hurla un « Psycho Lance » assez fortement et le trait de lumière fonça aussitôt vers le plafond. Un trou apparut dans le plancher du grenier ; assez gros pour le laisser passer tranquillement. Bien. Maintenant, monter. Il regarda la table qui lui avait donnée du fil à retordre quelque temps plus tôt, grimpa dessus et bondit vers le trou béant. Il s’accrocha aux rebords, se hissa tant bien que mal vers le haut ; serrant les dents sur sa cigarette sous l’effort ; et atteignit enfin le grenier. C’est vrai ; quoi, pourquoi s’embêter à passer par une porte quand le plafond est plus accueillant et plus sûr ?

Stein se redressa lentement, en profita pour lâcher une bouffée de fumée. Il regarda autour de lui. Magnifique. Il avait bien prévu, le grenier prenait en effet le dernier étage du dit manoir - dont la nature semblait se confirmer -. Les pleurs étaient moins forts qu’à l’étage inférieur, mais on les entendait encore. Si bien que cela commençait légèrement à perturber le professeur, dont la raison oscilla légèrement. Franken observa donc le plancher qu’il avait défoncé quelques secondes plus tôt. Il résistait bien malgré le trou béant en son centre. Le docteur remarqua Kira, tranquillement installé dans un fauteuil, triant des cartes devant une table. Il se foutait de lui, n’est-ce-pas ? Le savant n’était pas vraiment d’humeur à faire une partie de poker ou on ne sait pas quoi. D’ailleurs, son bon sens commençait à s’effriter plus l’énervement prenait place dans son esprit. Il se força à se calmer, malgré son regard qui lançait des éclairs vers Kira.

Il réfléchit à ses paroles. « Père ». Il avait apparemment complètement perdu la tête et semblait très bien engagé sur la route du futur Kishin. Mais … Cette folie témoignait également de sa faiblesse d’esprit. Ne pas la combattre pour s’abandonner à elle … C’était absolument une solution abjecte. Totalement inhumaine ; même. La colère retomba d’un coup quand Stein entendit quelque chose tomber près de lui. Ce n’était rien d’autre qu’un bout de bois, dont le morceau arraché retombait dans la cuisine juste en-dessous. Le docteur fit quelques pas en avant, jusqu’à rejoindre le deuxième fauteuil, le contourna et se posta devant la table ; stoïque. Cette fois, interdiction de le louper. Surtout assit dans un fauteuil. Le professeur s’approcha de lui, l’air de rien, et ; une fois arrivé à sa hauteur ; plaça ses mains près des tempes de son opposant. Le décevoir … Non ! Surtout pas. Il avait cherché le docteur, il le trouverait. La longueur d’âme du professeur apparut sur ses deux paumes et ; comme il l’avait fait à Black Star ; il la déversa directement dans le cerveau de Kira. En espérant qu’il retrouve ses esprits. Mais en espérant également l’assommer pour le disséquer en toute tranquillité. Les éclairs jaunes entourait la tête du gamin comme un halo. Un sourire sadique apparut sur les lèvres du savant, qui relâcha sa longueur d’onde. Il le laissa pantelant pendant un tout petit instant et lui envoya son poing en pleine figure sans aucune retenue.

Franken s’écarta de quelques pas et observa son « œuvre », sans se départir de son sourire sardonique.

« Ca y est, je peux te disséquer ? »

Et il éclata d’un rire totalement incontrôlable, à mi-chemin entre la folie.